dimanche 6 juin 2021

Les hyènes du Malawi: des hommes payés pour violer sous couvert de tradition

Le Malawi est un pays du sud Est africain connu pour ses parcs naturels et ses lacs avec plus de 400 espèces de poissons qui attirent les amateurs de navigation, les fans de pêche, de ski nautique et de plongée.
Mais le sud est du Malawi est également connu pour un rite initiatique sexuel le "kusasa fumbi". Autrefois présente dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est, en Tanzanie et au Kenya notamment, cette tradition a peu à peu disparu mais persiste dans l’extrême sud du Malawi, région la plus pauvre du pays.

Amaury Hauchard a mené une enquête approfondie sur cette pratique pour le journal Le Monde avec l'aide d'ONG et journalistes locaux. Ils ont pu recueillir des témoignages aussi bien des hommes hyènes que des femmes victimes de ces viols.

Cette tradition est considérée comme une purification sexuelle. Dès leurs premières règles les filles sont envoyées dans des camps d'initiation sexuelle pour apprendre à satisfaire sexuellement un homme et pour être déflorées de force par un homme appelé "hyène" choisi et payé par la famille ou le clan.
Il en va de même pour les femmes qui subissent ces viols à la demande de leurs familles à la mort d'un proche, à un divorce, une maladie ou tout nouvel événement dans leurs vies. Un refus exposerait toute la famille au mauvais sort ou à une malédiction.
Cette pratique perdure malgré son interdiction en 2013. En effet dans les zones rurales du Malawi, c’est le droit local qui prime, il est difficile de faire appliquer la loi.

Ces viols sont pratiqués dans le plus grand secret, en plus des traumatismes de l'agression près de 10 % de la population est touchée par le VIH, et la moitié des filles sont mariées avant leur majorité, bien souvent à l’issue d’un viol "initiatique" qui a conduit à une grossesse précoce, alors même que l'âge légal pour se marier est de 18 ans.



Un homme hyène, Eric Aniva, a été condamné en 2016 à deux ans de travaux forcés, il a avoué avoir à son actif 104 "purifications sexuelles", il a été condamné pour "activité culturelle nuisible" pas pour viol.
Malgré les contrôles des autorités, les hommes hyènes continuent en toute impunité et déclarent fièrement être utiles à la société. Ils n'ont aucune culpabilité et n'admettent pas que ce qu'ils font est un viol. Ils continuent leurs activités tout en se sachant infectés par le VIH. Ce ne sont pas des hommes en marge, ils sont pères de famille et parfaitement intégrés socialement "C’est parce que j’ai de l’expérience que les gens viennent me voir. C’est mon métier et j’aime mon métier" Louis, 39 ans, hyène.


Pourtant, les mentalités changent et des voix s’élèvent contre cette coutume
Certaines femmes ont eu à subir plusieurs fois ces viols, à la puberté, à un divorce etc..., Avec l'aide d'associations locales et après avoir pris conscience qu'aucun sort ne les accablerait, de plus en plus de femmes fuient leur milieu familial ou font fuir des fillettes avant leur puberté. Et de plus en plus de femmes et filles témoignent.
Doriss Liva a 13 ans. Fin décembre 2016, un soir, on l’a obligé à dormir seule. « Au début, je n’ai pas compris pourquoi j’étais seule. Mais, pendant la nuit, un homme est venu. J’ai crié, mais il m’a forcée. »
« On est enfermés avec le fisi, trois jours durant, et on est à lui, autant de fois qu’il le veut, raconte Annie

Dans le district de Nsanje, dans l’extrême sud du Malawi la pauvreté va de pair avec le poids de la tradition, les revenus sont très faibles, ni électricité ni eau courante. On est loin de Lilongwe, capitale lointaine où cette pratique n'a plus cours. A Nsanje la purification permet de combattre les maladies, les mauvais sorts etc...
L'information sur le HIV est par ailleurs complètement absente de cette région.
La loi seule ne suffira pas à éradiquer cette pratique, l'éducation des populations est indispensable. La lutte contre ces viols se fera avec l'aide des femmes chefs traditionnels locaux. Ainsi La cheffe traditionnelle de Chikumbu, Aïda Deleza, en a fait son cheval de bataille, lutter contre ces rites qui obligent les filles tombées enceinte à se marier et à quitter l'école, un cercle vicieux qui fait que ces filles une fois mères perpétuent cette tradition par ignorance et par peur des conséquences supposées sur ceux qui n'accomplissent pas ce rite.

Ces femmes chefs traditionnelles travaillent avec des ONG locales et essayent d'expliquer les lois nationales et de les faire appliquer localement. Elles recueillent aussi de plus en plus de témoignages qui permettent des arrestations et surtout montrent aux familles qu'aucun malheur ne s'abat sur les femmes qui ont refusé ou sur leur clan.


Pourquoi les femmes continuent-elles à perpétuer cette tradition comme pour l'excision? 
Peut on légitimement s'indigner ou doit on respecter les coutumes quelles qu'elles soient?

Ce qui est certain c'est que le changement de mentalité viendra en interne et comme toujours via l'éducation avec la répression en arrière plan.



On en discute le Mardi 8 Juin 2021 sur Maquis Pluriel en direct à 20h



Ilham Seghrouchni - Libre Parole

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